Selon un rapport des Verts européens, des cadres sont "riches"
6 avril 2019 à 19:43
Stephen G. Hürner
Fiscaliste
Dans le Soir.be du 2/04/2019 à 17:33 nous trouvons un article de Madame Elodie Lammer sur "Un nouveau rapport des Verts européens" (qui) "dénonce la concurrence fiscale acharnée des pays de l’UE pour attirer les riches particuliers étrangers". Elle poursuit comme suit, citant ce rapport : "Les pays européens sont prêts à des gros sacrifices uniquement pour attirer d’importantes multinationales, mais également des riches particuliers étrangers, dénoncent les Verts européens dans un nouveau rapport. Ils chiffrent à un milliard d’euros le coût du régime belge en la matière".
Dés lors que ce rapport s'intitule "Se faire concurrence pour (obtenir) les riches - Exemption fiscale et schéma spéciaux pour les riches" amalgamant des personnes fortunées, par leur travail ou non, et d'autres, j'ai été surpris de noter que des cadres bénéficiant d'un régime fiscal favorable faisaient partie des "riches".
J'ai attentivement lu les commentaires sur le Régime fiscal spécial qu'octroie la Belgique aux cadres étrangers transférés temporairement en Belgique pour constater que les commentaires de ce rapport à son propos manquaient de la rigueur scientifique que l'on est en droit d'attendre d'un tel rapport.
Ceci étant mentionner les régimes fiscaux spéciaux de certains pays n'ayant d'autre but originel que celui de favoriser l'implantation de sociétés étrangères vu la fiscalité élevée de ces pays pour leurs cadres étrangers et donc d'y créer de la valeur ajoutée et de l'emploi, y compris local, dans un Rapport sur "Competing for the rich - Tax exemption and special schemes for the rich" m'apparaît inapproprié, réducteur et raccoleur. Le débat qu'ouvre ce Rapport sur la base d'une réelle méconnaissance de ces régimes, en tout cas certainement pour celui ouvert en Belgique à certains cadres, tient plus du discours politicien que d'une analyse sérieuse et scientifique.
Notes sur le rapport
Voici mes notes sur ce que ce rapport dit du "Régime fiscal spécial accordé aux cadres étrangers transférés temporairement en Belgique" (le "Statut spécial").
a. Le Rapport: "The tax circular does not mention the duration of the benefit".
Cette remarque est correcte, mais omet de mentionner que le cadre doit toujours pouvoir prouver que le centre de ses intérêts économiques et sociaux est resté hors de Belgique. Plus particulièrement la balance des avoirs du cadre et de son épouse doit continuer à pencher en faveur de l'étranger. Qu'il y ait une absence de contrôle du respect de cette exigence est patente. Est-elle due à une volonté politique où à un manque de personnel pour effectuer les contrôles je n'ai pas de réponse à ce sujet. Ce Rapport, lui, en a une et catégorique.
b. Le Rapport: "The scheme ....results in the person being treated as non-resident."
Ceci n'est pas tout à fait exact. En effet, le régime fiscal belge est octroyé à des cadres qui continueront à rester des non-résidents fiscaux belges et à d'autres qui deviendront des résidents fiscaux belges. Ce n'est qu'à ces derniers que le statut spécial applique une étiquette de non-résidents fiscaux belges alors qu'ils sont des résidents fiscaux belges.
c. Le Rapport: "This means that only Belgian-sourced employment and capital income is taxed".
c.1. Pour ce qui est du "Belgian-sourced employment income".
Si l'on entend par "Belgian source employment income" celui qui résulte d'un travail effectué sur le territoire belge" l'assertion du Rapport est correcte. Il eut fallu préciser que c'est plus facilement dit que ce qui se passe en réalité à savoir que le décompte des jours passés à l'étranger est tel que un départ le lundi matin de Belgique avec un retour le mardi soir aboutit à un jour de travail à l'étranger et qu'il y a des contrôles quant à la réalité des déplacements. Il eut été tout aussi pertinent de souligner que pour les cadres étrangers qui restent résidents fiscaux d'un autre pays, le "Statut spécial" n'entraîne aucun privilège fiscal puisque dans leur cas les conventions préventives de la double imposition requièrent qu'ils déclarent les revenus gagnés sur le territoire d'autres pays que la Belgique dans leur pays de résidence. Certes, c'est plus facile de (i) généraliser, (ii) simplifier et (iii) présenter comme un privilège ce qui pour beaucoup de cadres n'en est pas un.
c.2. Pour ce qui est du "Belgian-sourced capital income".
A ce propos le Rapport est à nuancer. Les revenus du capital (intérêts et dividendes) ne sont pas à mentionner dans une déclaration fiscale de non-résidents fiscaux en Belgique. Pour ce qui est des intérêts il est, à mon sens, possible d'éviter la retenue du précompte mobilier. Pour ce qui est des dividendes payés par une société belge, il y aura une retenue au titre de précompte mobilier de 30% sans aucune possibilité de réduction en application d'une Convention fiscale préventive de la double imposition pour ceux qui, malgré leur étiquette de non-résidents fiscaux belges, sont, en fait et en droit, des résidents fiscaux belges dès lors que n'étant pas résidents fiscaux d'un autre pays aucune convention fiscale ne leur sera applicable. Lorsque le Rapport dit: "Also, some foreign dividends are subject to Belgian withholding tax if remitted directly to a Belgian bank account and if the respective Double Tax Agreement (DTA) permits such a tax" c'est erroné pour ces faux non-résidents fiscaux belges.
d. Le Rapport: " the status of non resident with residence in Belgium was abolished by law on 8th of May 2014 (see also tax circular 41/2015)".
Ceci est erroné. S'il est vrai que la Sixième Réforme de l'Etat (applicable aux revenus de l'année 2014) régionalisant certaines dispositions fiscales a eu pour effet de réduire les avantages fiscaux qui étaient accordés à certains non-résidents fiscaux (surtout les "faux non-résidents fiscaux"), il n’est pas correct de dire que le Statut fiscal accordé à certains cadres étrangers a été supprimé.
e. Le Rapport dans son annexe 2 dit "Belgium Foreign source exemption: full - no Belgian account".
Ceci est erroné par son simplisme. Il y a bien un "Belgian account", un compte-rendu en Belgique puisque les revenus mondiaux du travail doivent être déclarés et le pourcentage de présence effective à l'étranger calculé.
f. Le Rapport dans son annexe 2 dit "Allowance: Costs".
Ceci est erroné, car incomplet. Certes il existe une non-taxation de certaines indemnités destinées à couvrir des frais, mais elles doivent être calculées et en règle, elles ne peuvent dépasser un plafond de l'ordre de 11.500 €.