Une longue vie semble promise à la taxe sur les comptes-titres 2.0.

Dans son arrêt du 27 octobre 2022, la Cour constitutionnelle a en grande partie conforté la nouvelle taxe sur les comptes-titres (« TACT »). La Cour s'est en effet bornée à annuler la disposition anti-abus spécifique et l'effet rétroactif de la disposition générale anti-abus. Pour le reste, le dispositif reste intact. Le verdict de la Cour fait son lot de déçus, notamment les compagnies d’assurance belges commercialisant des produits de la branche 23...

Pour rappel, la nouvelle taxe sur les comptes-titres de 0,15 % est en principe prélevée directement par les banques sur tous les comptes-titres sur lesquels sont détenus des instruments financiers d'une valeur moyenne supérieure à 1 million d’euros.

On se souvient que la taxe sur les comptes-titres « 1ère version », introduite par le Gouvernement précédent, avait été annulée par la Cour constitutionnelle le 17 octobre 2019. La Cour avait jugé que la taxe regorgeait de discriminations, qui pouvaient être difficilement justifiées au regard de l'objectif du législateur de « taxer les plus riches ». Le Gouvernement Vivaldi avait ensuite décidé de revoir de fond en comble sa copie et de « ressusciter » la taxe sur les comptes-titres (2.0.). Afin d’éviter le piège des différences de traitement non justifiées, l’équipe de juristes qui a planché sur le nouveau texte a utilisé une magnifique pirouette juridique : la qualification de la TACT en tant que « taxe d’abonnement » conjuguée à l’absence de référence à la capacité contributive des contribuables.

Force est de reconnaître qu’ils ont fait du bon boulot : la Cour a en effet validé le nouveau dispositif dans sa quasi-totalité ! Le chemin était pourtant parsemé d’embûches. On pouvait notamment se demander si le seuil d’1 million d’euros n’était pas arbitraire et s’il n’entraînait pas de différence de traitement injustifiée. La Cour a répondu par la négative, au motif que la détermination d’un seuil relevait du pouvoir d’appréciation du législateur.

Quel impact de l’annulation de la mesure anti-abus spécifique et de l’effet rétroactif de la mesure anti-abus générale ?

Dans son arrêt, la Cour a annulé intégralement la mesure anti-abus spécifique, qui avait instauré une présomption irréfragable d’abus fiscal applicable rétroactivement à deux types d’opérations réalisées à partir du 30 octobre 2020 : (i) la scission d'un compte-titres en plusieurs comptes-titres détenus auprès du même intermédiaire et (ii) la conversion des instruments financiers détenus sur un compte-titres en instruments financiers nominatifs. Concrètement, ceci signifie que les titulaires de comptes-titres (de plus d’1.000.000 euros) qui ont « saucissonné » leurs comptes-titres ou converti leurs actions dématérialisées en actions nominatives entre le 30 octobre 2020 et le 26 février 2021, la date d’entrée en vigueur de la loi, peuvent dormir tranquilles.

La Cour a également annulé l’effet rétroactif de la mesure générale anti-abus (pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi, soit du 30 octobre 2020 au 26 février 2021). Il ne faut cependant pas se fourvoyer : cette arme peut toujours être dégainée par le fisc pour contrer les stratégies d’évitement de la TACT postérieures au 26 février 2021. Prenons un exemple. Monsieur Dupont est titulaire d’un compte-titres de 4.500.000 euros. Il pense pouvoir contourner aisément la taxe, en scindant ou saucissonnant son compte-titres de manière à éviter que la valeur totale des titres sur un compte soit de plus d’1 million d’euro (par la détention de 5 comptes-titres d’une valeur de 900.000 euros). Le fisc pourrait déjouer cette manœuvre s’il a scindé son compte après le 26 février 2021.

La « bonne nouvelle » est que l’application de la mesure générale anti-abus peut toujours être désactivée en présence de motivations autres que purement fiscales. Tel pourrait être le cas lorsque la scission d’un compte-titres est consécutive à une donation faite par le titulaire du compte-titres à ses enfants, ou lorsqu’elle procède de la préoccupation du titulaire du compte-titres de diversifier la gestion de ses actifs financiers (en confiant la gestion d’une partie de ceux-ci à une autre institution financière). La scission d’un compte-titres pourrait aussi s’expliquer par des raisons indépendantes de la volonté du titulaire du compte-titres, par exemple en cas de divorce ou de décès conduisant à la cessation de l’indivision forcée d’un compte-titres.

Le verdict de la Cour constitutionnelle fait son lot de déçus…

Pour le reste, le dispositif reste intact. Les titulaires de comptes-titres de plus d’1 million d’euros vont donc devoir s’en accommoder.

Pour certains, la pilule est particulièrement difficile à avaler. Il en va notamment ainsi des compagnies d’assurance belges commercialisant des produits de la branche 23, qui avaient placé de grands espoirs dans l’annulation de la taxe. Celles-ci resteront soumises à la TACT sur leurs comptes-titres (de plus de 1.000.000 euros), qu’ils soient détenus auprès de banques belges ou étrangères. Elles devront continuer à subir un désavantage concurrentiel par rapport aux compagnies d’assurances luxembourgeoises, qui échappent en principe à la taxe (sur leurs comptes-titres détenus auprès de banques non belges).

Ce verdict ne fait pas non plus les affaires (i) des holdings patrimoniales qui détiennent des portefeuilles d’actions cotées (inscrites sur un compte-titres) importants, (ii) des particuliers détenant des comptes-titres au sein de banques étrangères (le cas échéant au travers de certaines « constructions juridiques » étrangères),…

Une longue vie semble ainsi promise à la TACT 2.0… à moins qu'elle ne passe à la trappe dans le cadre de la réforme fiscale ? On n’est jamais sûr de rien en fiscalité…

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