“BIEN SOUVENT, LES GENS VOUS ENVIENT PARCE QU’ILS IGNORENT LES RÉALITÉS QUE VOUS AFFRONTEZ EN SILENCE. »
Wiliam Sinclair
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Ce qui suit ne constitue pas un conseil personnalisé
On en parle rarement, mais le capital comporte des aspects fiscaux importants qui se manifestent à différentes étapes de la vie d’une entreprise.
Au commencement, c’est l’enthousiasme des fondateurs qui est concrétisé par leurs mises de fond. C’est aussi grâce au capital que toute société prend vie ou contribue à son essor. L’apport de chaque actionnaire détermine son niveau de contrôle (droits de votes).
De manière analogue a ce qui a été fait aux Pays-bas et depuis mai 2019, le mot “capital” a presque disparu pour laisser la place au mot “apport” dans une majorité de PME.
Pour certains, la question est de savoir si le législateur a définitivement calciné l’espoir qu’un remboursement de capital puisse se faire sans ponction fiscale au cours de l’existence d’une société.
En effet, depuis quelque temps, une fiction de distribution de dividendes (et donc de précompte mobilier à payer) existe lorsque le capital est remboursé aux actionnaires.
Comme souvent, l’attitude de l’entrepreneur sera de trouver des opportunités pour mettre en échec les contraintes.
L’objectif principal d’une réduction de capital est de sortir des liquidités, sans ou avec une faible taxation, au profit des actionnaires personnes physiques.
Au préalable et pour éviter de souffrir la critique, la société devra pouvoir justifier d’un réel excédent de liquidités et de ce fait son intention de rembourser une (majeure) partie du capital aux actionnaires.
Ce sera particulièrement le cas, lorsque les actionnaires souhaitent vendre la société afin de pouvoir proposer à l’acheteur un prix plus faible en sortant d’abord l’excédent de trésorerie, sinon cela revient à acheter de l’argent.
Idéalement, il faut éviter que le remboursement du capital soit, à court terme, remis à disposition de la société sous forme de prêt, sinon cela pourrait signifier que l’entreprise ne pouvait pas réellement se passer de ces fonds.
De surcroit, l’augmentation de l’endettement couplée à la diminution du capital dégrade la présentation financière d’une entreprise, notamment, en diminuant son ratio de solvabilité (fonds propres/total bilan).
Dans son histoire et pour une question de survie, lorsque le géant industriel INTEL était menacé par la concurrence japonaise hyper efficace, cette entreprise a radicalement modifié son activité en basculant vers la production des processeurs et non plus des barrettes mémoires.
Dès lors, si l’activité de votre société est appelée à changer, une réduction de capital préalable pour ensuite l’augmenter en faisant entrer de nouveaux actionnaires peut avoir du sens.
Vos nouveaux actionnaires, supportant l’évolution de l’activité, pourraient profiter d’une taxation divisée par deux lors d’attribution de dividendes via le régime attractif dit “VVPRbis” (avantage : 15 % de précompte mobilier vs 30 % lors d’une attribution de dividendes).
La principale contrainte de ce régime fiscal favorable, à certains actionnaires, est que la détention des actions doit être ininterrompue, donc aucune cession d’actions ne peut s’envisager, sauf à accepter de perdre l’intérêt de cet avantage.
Pour les actionnaires ne pouvant bénéficier du VVPRbis, il existe malgré tout un moyen d’atteindre un résultat proche en utilisant la réserve de liquidation (en détails ici).
Auparavant, une société disposait principalement de deux options pour rémunérer ses actionnaires ;
Le législateur a considéré que la première option, fiscalement exonérée, devait être reléguée au royaume des ombres, car elle ne rapportait rien au Trésor.
S’en est ensuivi, l’instauration d’une fiction qui veut que dès qu’une société acte une réduction de capital et qu’elle affiche des bénéfices reportés, il sera considéré que la société réduit son capital, mais distribue aussi (proportionnellement) un dividende qui impose une retenue de précompte mobilier.
La fiction se traduit par le fait que comptablement, c’est uniquement une réduction de capital qui est enregistrée sans pourtant mouvementer les bénéfices reportés.
La comparaison chiffrée de cette évolution sur base d’un exemple chiffré ;
Dans cet exemple, un remboursement de capital à hauteur de 450 K EUR ;
– Avant : 450 K EUR récupéré par les actionnaires ;
– Maintenant : 360 K EUR, soit un cout fiscal de 90 K EUR.
L’espoir est permis : “Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras”
Il reste malgré tout un cas de figure qui permet, licitement, de ne pas devoir retenir de précompte mobilier ;
– Une société qui dispose de pertes comptables reportées à la fin de la période imposable précédente, mais qui réalise un résultat substantiel durant l’exercice actuel, peut tirer profit d’une réduction de capital sans retenue de précompte mobilier.
Par exemple ;
– Capital d’une holding : 500 K EUR
– Pertes comptables : (-) 200 K EUR au 31/12/2022
– Résultat au 30/06/2023 :
– Plus-value exonérée sur participation (RDT) : 1 M EUR ;
– Le 15/08/2023 : réduction de capital à hauteur de 300 K EUR.
Dans ce contexte, profiter d’une réduction de capital est de nature à permettre aux actionnaires de percevoir des fonds sans taxation.
La même réduction de capital, mais après l’exercice 31/12/2023 clôturé, aurait pour conséquence une retenue de précompte mobilier de 55 K EUR ;
Le risque étant qu’une société doive retenir un précompte mobilier lors d’un remboursement de capital alors que ses résultats reportés pourraient très bien être diminués, voir disparus, au cours des exercices futurs. À l’extrême, constater, lors de la liquidation, que ce précompte mobilier (non remboursable) aurait été supporté pour rien.
La société veillera à respecter toutes les dispositions existantes, notamment, celles visant à préserver un actif net (fonds propres) positif suite à une réduction de capital.
À dater de l’acte notarié publié aux annexes du Moniteur belge, la société doit observer un délai de 2 mois avant que le remboursement du capital puisse être transféré aux actionnaires.
Ceci en raison du fait que le capital social est réputé constituer la garantie des tiers, dès lors si la capitalisation de votre société diminue, le risque est censé s’accroitre, que votre entreprise dispose de moins de moyens et donc de garanties envers les parties qui sont en relation avec votre entreprise.
Nombreux sont ceux ayant compris l’intérêt de disposer d’un capital important afin qu’un remboursement de celui-ci puisse se faire sans taxation ou plus faiblement.
Afin de maximaliser cet objectif, des actionnaires personnes physiques apportent et/ou cèdent leurs actions à une société qu’il constitue pour vocation d’être la “holding” de la société opérationnelle.
En l’absence de motifs économiques robustes, ce schéma peut aboutir à la taxation de la plus-value “interne” réalisée.
Comment parvient-on à réaliser une plus-value “interne” ?
Supposez que la société dont vous êtes actionnaire (personne physique), présente des fonds propres comme suit ;
– Capital : 20.000 EUR
– Bénéfices reportés : 500.000 EUR
– Total des fonds propres : 520.000 EUR
Si la société vous attribue un dividende, le cout fiscal sera de 500 K EUR x 30 % = 150 K EUR, ce qui peut être dissuasif.
Par le passé, certains ont donc décidé de constituer une holding (société détenant principalement des actions) en apportant les actions de leur société opérationnelle et formant ainsi le capital de cette holding.
Via cet exemple simplifié, la valeur de cette entreprise pourrait être équivalente à ses fonds propres, soit 520 K EUR. L’actionnaire faisait donc apport à la holding d’une participation (actions) de 520 K EUR dont la contrepartie était formé par le capital d’un même montant.
Sous réserve du respect de plusieurs conditions, lorsqu’une société distribue des dividendes à son actionnaire qui est aussi une société (holding), il n’y a pas de précompte mobilier à retenir et le produit de ce dividende qui arrive dans le compte de résultat de la société actionnaire constitue un revenu non taxable (dit “revenus définitivement taxés”).
À la fin, la société holding, ne supportant pas d’impôt sur le dividende récolté, réalisait une réduction, non taxée, de son capital vers son actionnaire (celui ayant apporté ses actions à sa holding).
La pratique a été importante (dans la durée ainsi que le nombre) jusqu’en 2017 où le législateur à décider de rompre l’effet de masse permettant licitement d’éviter, entre-autre, la retenue du précompte mobilier.
Dans ce sens, le rapport annuel 2021 du Services des Décisions Anticipées en matières fiscales (‘SDA” www.ruling.be) reprend un cas de tentative d’apport exonéré à une holding ayant comme principal motif économique la transmission du patrimoine.
Celui-ci conclut que l’opération ne s’inscrit pas dans la gestion normale du patrimoine privé, comprenez que la plus-value sera imposable. Cela étant, la critique ne porte pas sur le principe mais plutôt sur la finalité car dans cet exemple, les droits de votes des enfants n’évoluaient pratiquement pas alors que l’intention décrite était la transmission du patrimoine.
Soit, une manière concrète de décourager les opérations qui n’aboutisse pas au résultat annoncé.
L’enseignement à en retirer est donc de réellement concrétiser les intentions, et ce, pour éviter une lourde taxation, de surcroit, sans forcément disposer du cash nécessaire.
Pour autant, la faculté d’apporter/vendre ses actions à une holding ne doit pas être écartée dans tous les cas de figure, celle-ci peut être une sérieuse option pour remettre sur pied d’égalité des actionnaires personnes physiques n’ayant pas le même nombre d’actions de la société opérationnelle mais qui la font vivre en générant des revenus comparables.
En tout état de cause, la valeur du capital de la holding sera limité au capital libéré dans la société opérationnelle, le surplus de la valeur d’acquisition (des actions apportées/cédées) sera considéré comme une réserve taxée. Ceci afin d’éviter qu’un remboursement de capital de la holding puisse être exonéré.
Dans un ciel fiscal obscurci par les besoins financiers accrus de l’état, un remboursement du capital sans taxation reste encore possible, mais dans des circonstances limitées.
L’actionnaire qui souhaite récupérer une partie de son capital apporté à la société, risque donc d’être surpris d’apprendre que cela implique une taxation, comme ci en confiant votre manteau au vestiaire on vous le restituait sans les manches.
Par le biais de cette fiction de distribution de dividendes et donc de retenue obligatoire de précompte mobilier, le législateur semble avoir peu de considération pour les réalités vécues par les actionnaires mais surtout le fait que les résultats positifs antérieurs ne sont pas à l’abri de diminuer/disparaitre lors des futurs exercices. L’histoire récente l’a pourtant démontré.
En raison de cette fiction de distribution de dividendes, le praticien veillera à conserver un historique détaillé des composantes du capital fiscal ainsi que des fonds propres de l’entreprise.
Affirmer que l’apport de ses actions à une holding est strictement imposable doit être nuancé. L’enjeu est de démontrer, entre-autre, que l’opération relève de la gestion normale de patrimoine privé.
De manière constante, l’administration fiscale se montre rétive à toute modification structurelle présentant un avantage fiscal, obtenu à court terme, par le biais d’un ensemble de mécanismes plus ou moins complexes. De surcroit quand l’opération profite à un seul individu ou à un nombre très restreint.
Si elle considère que cet avantage est obtenu à tort, l’administration fiscale qualifiera l’ensemble comme étant un “abus” avec comme conséquence la taxation ainsi que des pénalités.
Vous pouvez agir sans forcément subir, notamment, en étant conseillé dans le but d’obtenir un avis préalable auprès du SDA après avoir présenté vos arguments et motivations économiques avant de réaliser ce type d’opération.
Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.
Thomas DRAGUET © │thomas@anticiper.tax
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